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La clé, c’est la communication : un alphabet radio pour Alerte COVID

Le personnel du milieu de la santé ainsi que bien des agents administratifs jouent un rôle crucial dans la réussite de l’application Alerte COVID.

Lorsqu’une personne d’une province participante reçoit un résultat positif au test de dépistage de la COVID-19, un agent ou une agente lui fournit une clé à usage unique alphanumérique. La personne peut ensuite entrer cette clé dans l’application pour pouvoir envoyer des notifications d’exposition.

Cet échange est la pierre angulaire du processus de notification des personnes exposées à la COVID-19. Pour en savoir plus sur la génération de clés à usage unique dans diverses provinces, vous pouvez lire ce billet blogue.

Communiquer la clé à usage unique

Cet échange, cependant, est loin d’être simple. Il faut garder à l’esprit l’aspect humain et les émotions bien réelles qui entrent en jeu lors de telles conversations. Les agents et agentes transmettent les clés alphanumériques à des personnes qui viennent tout juste d’apprendre qu’elles ont la COVID-19. Ces personnes sont anxieuses et inquiètes. Les employés impliqués subissent également la pression des défis posés par la pandémie.

De plus, la transmission des clés se fait souvent par téléphone plutôt qu’en personne, compliquant d’autant plus la communication. Le téléphone est un obstacle entre les agents qui lisent la clé et les patients qui doivent noter les bonnes lettres et les bons chiffres à entrer dans l’application. Pour les personnes dont l’anglais ou le français est la deuxième, la troisième, voire la quatrième langue, ce problème devient encore plus épineux.

Dans un récent billet de blogue, le responsable du service Alerte COVID décrit les deux principaux aspects qui ont orienté et qui continuent d’orienter le développement du service. L’un de ces aspects est de faire en sorte que le plus de personnes possible utilisent l’application. Pour y arriver, il faut rendre le service le plus accessible possible.

C’est pourquoi nous avons exploré comment la communication de la clé alphanumérique pourrait se dérouler de façon aisée dans un moment aussi éprouvant, le but étant d’accroître l’accessibilité.

Associer mots et sons

Bryan Robitaille, l’un de nos développeurs, a eu l’idée d’utiliser un alphabet radio pour simplifier le processus et prévenir les problèmes de communication entre les travailleurs et les utilisateurs de l’application. Contrairement à l’alphabet phonétique (qui associe des symboles à des prononciations), l’alphabet radio associe des mots au son de leur lettre initiale. On l’appelle aussi alphabet militaire. Nos chercheuses ont d’ailleurs découvert que les utilisateurs de l’application COVID néerlandaise se servaient souvent de mots pour confirmer les lettres de leur clé à usage unique, sans même qu’on le leur ait demandé.

Les alphabets radio les plus connus viennent de l’OTAN et de Western Union (Alpha, Bravo, Charlie…). À l’époque, ces alphabets étaient surtout utilisés par des personnes travaillant dans des environnements communs et partageant un même vocabulaire. Dans le contexte d’Alerte COVID, toutefois, les mots de ces alphabets pourraient ne pas être compris dans toutes les cultures, ni par toutes les personnes du Canada.

Le mot « Yankee », par exemple, peut être offensant, tandis le que le mot « foxtrot » est rattaché à des générations et une culture précises.

Nous nous sommes demandé si nous pouvions trouver des mots adaptés à notre réalité. Si oui, comment choisir les mots?

Une clé alphanumérique (284 FKQ 8889) est lue à voix haute à l’aide de chiffres et de mots : « Deux, huit, quatre, famille, kangourou, question, huit, huit, huit, neuf ».

Choisir notre alphabet

Nous avons commencé par réfléchir aux critères sur lesquels nous évaluerions nos mots pour qu’ils facilitent la communication d’une clé à usage unique :

  • Similitude en français et en anglais
  • Usage courant dans diverses cultures
  • Au moins 2 syllabes
  • Sons évocateurs
  • Pas de connotation négative

Dans les exemples qui suivent, l’italique sert à indiquer les mots anglais.

Similitude en français et en anglais

Nous avons voulu que les mots soient semblables en français et en anglais afin de faciliter le travail du personnel desservant une population bilingue. Par exemple, nous utilisons le mot « animal » pour la lettre A, car il est le même en français et en anglais.

La seule exception à ce principe concerne la lettre X. En effet, il existe très peu de mots commençant par X qui sont à la fois courants et similaires dans les deux langues. Nous avons utilisé X-ray en anglais, mais pas en français puisque « rayon X » n’a pas un X comme lettre initiale (ce qui brise la règle implicite de l’alphabet radio et par conséquent, les attentes de la personne qui écoute). Nous avons choisi « xylophone » en français, mais pas en anglais puisque le X est prononcé comme un Z, ce qui pourrait porter à confusion.

Usage courant dans diverses cultures

Nous avons voulu que les mots de l’alphabet soient susceptibles d’être connus peu importe la culture d’une personne. C’est pourquoi nous avons cherché à éviter les noms propres (comme « Charlie ») et à privilégier les noms communs appris tôt lorsqu’on étudie une langue (comme « zèbre »). Nous avons aussi privilégié les mots qui pouvaient facilement être visualisés, puisqu’une association visuelle peut potentiellement aider à étiqueter puis épeler les mots.

Au moins 2 syllabes

Nous avons décidé de choisir des mots ayant minimalement 2 syllabes. En effet, on craignait que les mots d’une syllabe risquent davantage d’être confondus avec d’autres sons. La personne qui écoute pourrait par exemple combiner une syllabe avec le mot qui vient d’être dit ou celui qui suit.

Étant donné que la deuxième syllabe repose sur la première, nous avons pensé qu’elle pourrait aider les patients à confirmer qu’ils ont entendu le bon mot. « Famille » et « radio » sont de bons exemples de mots d’au moins 2 syllabes.

Sons évocateurs

Dans le même ordre d’idées, il fallait aussi réfléchir à la façon dont les mots parlés sonnent. Les alphabets de l’OTAN et de Western Union, par exemple, utilisent respectivement « Charlie » et « Chicago ». Ainsi, en anglais, le son « ch » n’est pas confondu avec le son « k » (comme dans castle) ni le son « s » (comme dans city). Nous avons décidé de conserver le son « ch », mais avons plutôt choisi le mot « chocolat » parce qu’il est courant et qu’il n’est pas un nom propre.

En français, plusieurs mots commençant par la lettre E sont suivis des lettres M ou N (comme dans « environnement » ou « emploi »). Non seulement la lettre E n’est pas entendue, mais ces combinaisons de lettres sont prononcées de la même façon que le son « an », dont la lettre initiale est A (comme dans le mot « antenne »). Pour éviter toute confusion ou tout effort cognitif additionnel, nous avons décidé de tester le mot « espresso », où le son entendu évoque la lettre E.

Ce critère explique aussi pourquoi nous n’avons pas conservé le mot « hôtel » de l’alphabet de l’OTAN. Bien que le mot soit le même en français et en anglais, le H est silencieux en français. Par conséquent, le mot « hôtel » est prononcé de la même façon que le mot « autel ». Nous avons donc choisi le mot « hôpital », où même si le H est toujours silencieux, au moins l’absence d’homophone lève toute ambiguïté. De plus, comme l’a fait remarquer notre collègue Anik Brazeau, les hôpitaux sont souvent représentés par la lettre H sur les pancartes routières, ce qui renforce l’association entre le mot et la lettre.

Pas de connotation négative

Nous avons voulu éviter les mots ayant une connotation négative afin de ne pas inconsciemment ajouter de mauvaises pensées à une situation déjà assez éprouvante. Pour cette raison, nous avons retiré l’allusion à l’alcool qui venait avec la lettre W de l’alphabet de l’OTAN (le mot étant « whisky »). Nous avons plutôt choisi « Wi-Fi ».

Continuer à améliorer l’alphabet

Créer un alphabet radio destiné à simplifier la communication des clés à usage unique a été fascinant. La plupart de nos principes de création étaient fondés sur des hypothèses générales liées à l’accessibilité et à l’inclusion. Or, les tests d’utilisabilité montrent que jusqu’à maintenant, l’alphabet radio fonctionne bien. Les personnes notent la clé sans erreur, même dans les cas où elles sont surprises d’entendre un mot différent de celui de l’alphabet de l’OTAN.

À mesure que nous recueillons de nouveaux commentaires, nous allons continuer d’améliorer l’alphabet radio pour faciliter la remise des clés à usage unique. Si vous ou l’une de vos connaissances êtes responsables de générer des clés pour des patients, inscrivez-vous pour participer à nos activités de recherche. L’inscription prend moins de 5 minutes, et vos commentaires nous aideront à mieux contribuer à la lutte contre la COVID-19 au Canada.