Les communautés des technologies civiques au Canada et à l’étranger accueillent depuis plus de 20 ans celles et ceux qui souhaitent utiliser les outils numériques pour rendre les services publics plus accessibles et plus efficaces.
Si le gouvernement du Canada travaille pour améliorer ses services numériques, il n’est pas à l’abri de la pénurie de main-d’œuvre dans le domaine. En 2022, on comptait au moins 7 000 postes non pourvus dans le domaine de la technologie. En 2024, le gouvernement a lancé une Stratégie en matière de talents numériques visant à soutenir son engagement de mieux servir l’ensemble du public au Canada à l’ère du numérique. Mais la main-d’œuvre qualifiée en technologies est en forte demande au Canada et à l’étranger. Qui plus est, le gouvernement doit faire face à une concurrence féroce ainsi qu’à des défis structurels lorsqu’il s’agit d’attirer et de retenir ces personnes.
À l’heure où le gouvernement du Canada est aux prises avec le défi d’embaucher et de retenir des talents en technologie, certaines personnes posent la question : « Ne faudrait-il pas que le gouvernement collabore davantage avec des initiatives communautaires pour améliorer la prestation des services numériques? »
Voilà l’une des raisons pour lesquelles le Service numérique canadien (SNC) publie aujourd’hui un rapport de recherche intitulé : Comment les technologies civiques peuvent-elles aider à améliorer la prestation des services gouvernementaux?
Ce rapport met en avant cinq exemples concrets de collaboration entre des administrations publiques canadiennes et des bénévoles des technologies civiques. Ces études de cas révèlent qu’accepter l’aide de bénévoles est loin d’être « gratuit », mais que — dans le contexte adéquat — la collaboration avec les communautés des technologies civiques peut offrir des avantages de taille, pour les gouvernements comme pour la population.
Les technologies civiques sont l’utilisation des technologies, des données et de la conception pour le bien public.
En général, les projets de technologies civiques :
- ne considèrent pas la technologie comme une fin en soi, mais comme un moyen d’améliorer le bien public;
- sont souvent dirigés par des bénévoles;
- impliquent une collaboration intentionnelle entre des personnes aux compétences diverses;
- cherchent avant tout à construire « avec » la communauté visée, et non « pour » elle;
- cherchent à appliquer des compétences et des méthodes de travail propres aux secteurs des technologies et de la conception.
Plus que toute autre chose, l’objectif était que cette recherche s’inscrive dans une démarche pratique. En tant que fonctionnaire du gouvernement fédéral travaillant sur des initiatives numériques, je sais à quel point il peut être frustrant de rencontrer des obstacles lorsqu’on essaie d’attirer les talents nécessaires dans le domaine technologique. La collaboration avec des bénévoles des technologies civiques peut constituer une option intéressante pour les fonctionnaires cherchant des moyens créatifs de se procurer de l’expertise numérique, mais cette solution n’est pas toujours simple et n’est pas adaptée à tous les projets.
Alors, comment savoir si une initiative gouvernementale peut se prêter à un partenariat avec des acteurs des technologies civiques? D’après ce que nous apprennent les recherches, il convient de se poser les deux questions suivantes :
1. L’initiative est-elle essentielle au bon déroulement des opérations?
Si c’est le cas, l’initiative ne se prêtera probablement pas à un partenariat avec des intervenant·e·s des technologies civiques. La plupart des communautés des technologies civiques dépendent du bénévolat, qui vient souvent s’ajouter aux obligations professionnelles et personnelles et qui peut vite être négligé. Par conséquent, beaucoup de projets de technologies civiques connaissent un taux de rotation élevé et des retards ou des délais non respectés, ce qui peut causer de sérieux problèmes lorsque les opérations reposent sur l’initiative concernée.
Mais une initiative n’a pas besoin d’être essentielle au bon déroulement des opérations pour avoir une incidence importante. Prenons pour exemple l’initiative Surveillance du fleuve mobile créée par Civic Tech Fredericton : cette application Web conviviale à code source ouvert facilite l’utilisation d’un téléphone mobile pour accéder aux données de prévision des crues fournies par le gouvernement. Depuis son lancement en 2018, l’application a été largement utilisée par les communautés touchées par les inondations survenues le long de la rivière Saint-Jean. Elle a été d’une telle utilité qu’en 2020, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a pris en charge son exploitation pour en faire un outil gouvernemental officiel.
2. Le projet se prête-t-il à la collaboration avec des bénévoles?
La raison qui motive une collaboration entre le gouvernement et des bénévoles des technologies civiques ne doit pas être d’économiser de l’argent, car une telle collaboration, pour être efficace, exige tout de même des ressources abondantes.
La Boîte à outils de l’expérience Web (BOEW) du gouvernement du Canada a par exemple grandement bénéficié de la méthode de travail ouvert et d’un investissement dans la création d’une communauté de contributeur·rice·s dynamique. En effet, ces bénévoles externes ont apporté des améliorations importantes et rapides en matière d’accessibilité et ont aidé le gouvernement à prendre une longueur d’avance en matière de conception réactive pour les appareils mobiles.
Cependant, c’est uniquement grâce au soutien de son équipe de base composée de fonctionnaires du gouvernement fédéral que l’initiative a vu naître autour d’elle une telle communauté. « C’était comme un travail à temps plein. Il fallait essayer d’être la colle qui permettait de faire tout tenir ensemble afin d’assurer la collaboration. C’était un effort constant, mais qui en valait la peine. », a déclaré une personne auparavant responsable du projet BOEW.
Outre les ressources nécessaires pour gérer efficacement une équipe de bénévoles, il importe aussi de réfléchir à la nature du travail en question. Votre problème peut-il être résolu par des personnes externes au gouvernement, par exemple? Ces personnes auraient-elles besoin d’avoir accès à des connaissances internes spécialisées ou à des renseignements sensibles? De plus, c’est généralement lorsque les problèmes traités ont une incidence directe sur leur situation ou celle de leur communauté que les bénévoles sont les plus motivé·e·s. Il convient donc de s’interroger : cette collaboration a-t-elle un lien avec leur vie quotidienne?
Ces questions ne représentent qu’un point de départ. Même quand l’initiative n’est pas essentielle aux opérations et se prête à une collaboration avec des bénévoles, il y a beaucoup d’autres questions à considérer. Pour la prochaine étape, il est recommandé de consulter la section du rapport intitulée 20 questions pour les fonctionnaires qui envisagent de collaborer avec un groupe en technologie civique ainsi que les études de cas.
Pour les fonctionnaires, qui connaissent bien les complexités et les défis à relever en coulisses, il peut être frustrant de voir les lacunes des services gouvernementaux pointées du doigt par la population et rapidement comblées par des outils que créent les bénévoles. Nous savons que les choses ne sont pas si simples, mais le fait de travailler avec des bénévoles des technologies civiques peut parfois nous aider à faire avancer les choses.
Les témoignages, les conseils et les questions figurant dans le document Comment les technologies civiques peuvent-elles aider à améliorer la prestation des services gouvernementaux? ont pour but d’aider les fonctionnaires à déterminer si et quand la collaboration avec les technologies civiques est pertinente.
Dites-nous quel récit, quel conseil ou quelle question vous interpelle le plus dans ce rapport. Ajouteriez-vous quelque chose au document 20 questions pour les fonctionnaires qui envisagent de collaborer avec un groupe en technologie civique? Faites-le-nous savoir!