Infrastructure publique numérique : Dynamiser l’avenir numérique du gouvernement

On dit de l’Infrastructure publique numérique (IPN) qu’elle est la voie moderne, la canalisation électrique, le système d’exploitation du pays et le tremplin de l’économie et du gouvernement numériques. Quelle que soit la métaphore de votre choix, l’IPN consiste à rendre visibles les fonctions d’arrière-guichet du domaine numérique et de mettre l’accent sur l’aspect « public » et d’« infrastructure » de l’acronyme en évoquant les investissements publics d’autrefois dans les actifs centraux nécessaires au fonctionnement d’une ville, d’un pays, d’un ménage ou d’une entreprise, sans oublier les avantages qu’ils procuraient à la population.
Le terme a pris de l’importance au début de la pandémie de COVID-19, lorsque les gouvernements du monde entier s’efforçaient de faire fonctionner les services en personne malgré les arrêts de travail. Cela étant, le concept est apparu au sein des gouvernements numériques les plus avancés et dynamiques ayant pris de l’avance sur les autres pays bien avant 2020 (par exemple, le Brésil, l’Estonie, le Kenya et l’Inde).
La Banque mondiale indique que les pays dotés de systèmes de paiement numérique existants ont été en mesure d’effectuer des transferts d’argent en urgence à trois fois plus de bénéficiaires afin d’amortir le choc économique provoqué par l’arrêt de secteurs entiers et de maintenir l’accès aux systèmes quotidiens dont les gens dépendent. « Les pays qui ont mis en place une IPN efficace peuvent également assurer le fonctionnement des services gouvernementaux, du commerce, des hôpitaux, des écoles et d’autres activités par le biais de canaux en ligne » (Banque mondiale, Rapport de tendances et des progrès numériques, 2023).
Métaphores mises à part, il est préférable de considérer l’IPN comme la « couche intermédiaire » d’un écosystème numérique qui se superpose aux structures physiques (câbles internet, ordinateurs, téléphones intelligents, centres de données, serveurs en nuage, routeurs et modems) et qui facilite l’existence des applications logicielles dans de nombreux secteurs verticaux (commerce électronique, services sociaux, enseignement à distance et télésanté) sans qu’il soit nécessaire de créer des systèmes distincts pour chaque fournisseur de services ou chaque administration publique.
Le consensus international
Le consensus multilatéral et les principes directeurs du G-20 de 2023 sur l’IPN reconnaissent à la fois un ensemble universel de modules de base ouverts et une flexibilité internationale dans la mise en œuvre, l’architecture et les niveaux de centralisation et de centrage sur l’utilisateur. Au fond, ils s’accordent sur le fait que l’IPN national exige des :
- Systèmes d’identité numérique : enregistrements sécurisés et vérification numérique de l’identité permettant l’accès aux services bancaires, aux prestations gouvernementales et à d’autres services, tels que les permis de conduire stockés dans un portefeuille numérique et les systèmes numériques nécessaires pour confirmer sa validité et le partager avec des vérificateurs tels que les sociétés de location de voitures.
- Systèmes de paiement numérique : transfert et réception instantanés d’argent du gouvernement à un particulier, semblables aux systèmes de transfert électronique des banques modernes, mais accessibles sans compte en banque. Notamment, Pix au Brésil est un système de transfert fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, géré par la Banque centrale du Brésil, qui utilise des codes QR, des clés Pix ou des coordonnées bancaires traditionnelles.
- Systèmes d’échange de données : systèmes de flux d’informations sécurisés et interopérables, y compris l’infrastructure physique et numérique et les cadres juridiques et politiques habilitants, entre les organisations du secteur public et du secteur privé. Par exemple, x-Road en Estonie est une couche d’échange de données (DXL) distribuée, à code source ouvert et gérée de manière centralisée, décrite par le gouvernement estonien comme « l’épine dorsale de l’e-Estonie ».
Légende: Pyramide à trois niveaux illustrant le cadre de l’infrastructure publique numérique (IPN). Le niveau 1 (en haut) correspond aux applications numériques : les applications peuvent être des outils destinés aux employés ou des services destinés au public. Le niveau 2 (au milieu) correspond aux éléments constitutifs de l’IAP : les fondations qui permettent l’authentification, les paiements et l’échange de données. Le niveau 3 (en bas) est l’infrastructure physique : connectivité, alimentation et capacité.
Les éléments constitutifs de l’IPN sont essentiels pour une interopérabilité efficace. L’identification numérique : pour identifier et authentifier les individus lorsqu’ils accèdent à des services publics en ligne. Paiements : ils permettent d’effectuer des transactions financières sécurisées telles que le paiement de services ou la perception de prestations. Échange de données : faciliter le partage d’informations entre les particuliers et les secteurs privé et public.
Lorsqu’elle est bien conçue et bien subventionnée, l’IPN peut avoir des retombées significatives dans le monde réel. Elles peuvent faciliter la vie de la population chaque fois qu’elle interagit avec le gouvernement, être bénéfiques pour l’économie et rendre nos communautés plus inclusives. Voici quelques-unes des principales raisons pour lesquelles l’IPN est importante :
Voici quelques-unes des principales raisons pour lesquelles l’infrastructure publique numérique (IPN) est importante:
- Elle bonifie et modernise l’expérience utilisateur.
- Elle peut faire croître l’inclusivité et l’équité grâce à des services qui sont d’abord numériques, et non uniquement numériques, accessibles même dans des endroits éloignés.
- Elle réduit le coût des systèmes et de l’information partagée et stockée en double dans les systèmes gouvernementaux.
- Elle favorise la croissance économique grâce à des infrastructures habilitantes sur lesquelles le secteur privé peut s’appuyer, tout en réduisant l’extraction de loyers pour les fonctions essentielles.
- Elle renforce la confiance dans les institutions gouvernementales.
Le contexte canadien
Un gouvernement plus mature sur le plan numérique aura pour effet d’améliorer la résilience économique et d’aider les entreprises canadiennes à se développer. L’investissement dans l’infrastructure commerciale numérique simplifiera les transactions transfrontalières et permettra aux petites et moyennes entreprises (PME) de se développer plus facilement sur les marchés mondiaux. Le renforcement de la prestation de services numériques créera un environnement réglementaire plus prévisible, transparent et efficace, ce qui permettra aux entreprises de se concentrer sur la croissance plutôt que sur les charges administratives.
En tant que signataire de la déclaration des dirigeants du G20, le Canada reconnaît « qu’une IPN sécurisée, fiable, responsable et inclusive, respectueuse des droits de l’homme, des données personnelles, de la vie privée et des droits de propriété intellectuelle, peut favoriser la résilience et permettre la prestation de services et l’innovation ». Mais nos progrès ont été inégaux et nous dépendons encore largement de fournisseurs internationaux, y compris de fournisseurs de services en nuage, et nous ne disposons pas de la souveraineté sur les données de nos propres résidents. Nous avons fait un grand pas en avant avec la publication et la mise en œuvre de l’Ambition numérique du Canada, de la Stratégie relative aux données de 2023-2026 pour la fonction publique fédérale et de la Mise en œuvre de la Stratégie d’hébergement d’applications, pour n’en citer que quelques-unes. Nous disposons de talents de classe mondiale, mais le Canada a du retard à rattraper.
Fondé en 2017, le Service numérique canadien a pour mandat d’améliorer la prestation de services pangouvernementaux, en créant des produits de plateforme en libre-service, en offrant une expertise numérique et en améliorant l’expérience du public sur Canada.ca pour trouver des informations et accomplir des tâches. Nous nous sommes d’abord concentrés sur la couche supérieure du logiciel avec laquelle le public interagit lorsqu’il s’inscrit à des programmes et services gouvernementaux et reçoit des notifications à leur sujet. Aujourd’hui, nous avons parcouru un tiers du chemin vers la mise en place des trois exigences fondamentales de l’IPN approuvées par les Nations unies.
Parallèlement à la mise à l’échelle de nos produits existants, nous développons une approche unifiée de l’identité numérique appelée Connexion GC – une plateforme sécurisée, inclusive et conviviale qui permet aux individus d’avoir une seule voie de connexion pour accéder aux services du gouvernement du Canada. Nous sommes également en train de mettre au point un produit appelé Délivrance et vérification GC, qui permettra aux administrations de délivrer des versions numériques des titres physiques qu’elles fournissent déjà, tels que les permis de travail et les permis de navigation de plaisance.
De notre point de vue à Service Canada, nous voyons les problèmes que ces lacunes dans l’infrastructure posent à la prestation de services. En tant que conseillers politiques au sein d’un organisme de prestation, nous nous assurons d’abord que nous disposons des cadres habilitants qui fournissent les autorités, facilitent la collaboration et débloquent la mise en œuvre.
Ce que nous proposons
- Réviser et mettre à jour les principales politiques du Canada afin de mettre en place l’échafaudage nécessaire à la vision infrastructurelle du gouvernement et veiller à ce que les conditions favorables soient remplies. Il s’agit notamment de la Politique sur les services et le numérique, de la Politique sur la sécurité du gouvernement, de la Politique sur la planification et la gestion des investissements, de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information. Ce travail de renouvellement est à la fois essentiel et, par nécessité, itératif, car il doit s’adapter à l’évolution constante des meilleures pratiques et de la technologie numérique.
- Prendre des décisions cruciales sur la hiérarchisation des investissements de l’entreprise Nous devons faire preuve d’intelligence et d’audace en matière d’allocations financières, même si cela signifie qu’il y aura des gagnants et des perdants dans le système, et veiller à ce que tous nos fonds ne soient pas bloqués dans des investissements à grande échelle et peu performants, alors que des travaux essentiels sont mis en attente. Sinon, nous risquons de prendre des engagements vides que le système ne peut pas mettre en œuvre et que nous ne pouvons pas nous permettre.
- Prendre des engagements à long terme pour l’infrastructure de base manquante : la mise en place d’une infrastructure nécessite un financement prévisible à long terme et un recrutement stable, ce qui garantit que le transfert des connaissances institutionnelles n’est pas perturbé par un taux de rotation élevé et que l’énergie et les ressources souvent consacrées à la recherche d’un financement pilote spécifique à un projet peuvent être mieux utilisées. Le public doit savoir que nous pouvons respecter nos délais et les équipes doivent avoir la certitude qu’elles peuvent mener le projet à son terme. L’IPN est censée être un système intégré, et nous ne pouvons pas récolter tous les bénéfices de nos investissements en matière d’amélioration des services, d’économies ou de développement économique sans respecter le consensus du G20 sur l’infrastructure de base.
Et maintenant?
La transformation numérique est un peu comme la rénovation d’une maison : il faut un plan, les bons experts et la volonté de démolir quelques structures.
Cela ne se fera pas du jour au lendemain ni en appuyant sur un seul bouton. Mais avec des efforts soutenus, un alignement organisationnel, de la coordination et de la discipline, nous pouvons y arriver.
Tout d’abord, nous avons besoin d’une stratégie fédérale en matière d’IPN, d’une vision qui détermine les éléments fondamentaux dont le Canada a besoin pour assurer la coordination de l’ensemble du système. La mise en œuvre de la stratégie nécessitera que tous les acteurs de l’écosystème numérique du GC travaillent en étroite collaboration, et ce avec des responsabilités appropriées et des conditions favorables en place.
- Le SCT et la direction du dirigeant principal de l’information (DDPI) sont les responsables de la politique. Ils continueront à définir la direction et les conditions nécessaires à la réussite, à clarifier les responsabilités et les rôles et responsabilités et à assurer un financement suffisant, la hiérarchisation des efforts, la transparence et la responsabilisation. Ils se sont engagés à évaluer de manière permanente les politiques et les directives et à fournir un cadre d’évaluation unifié afin de garantir que les données relatives aux performances de l’IPN puissent effectivement être évaluées à l’échelle de l’ensemble du GC.
- Les collègues du Centre de la sécurité des télécommunications Canada (CST) sont les responsables en matière de sécurité et jouent un rôle crucial dans la protection des réseaux d’information et de communication électroniques du gouvernement canadien. Services partagés Canada (SPC) est le chef de file en matière d’infrastructure et joue un rôle clé dans la gestion des services d’infrastructure informatique et veillant à ce que les processus de gestion des affaires soient efficaces.
- Services publics et approvisionnement Canada (SPAC) est le chef de file en matière de transformation et d’approvisionnement au sein du gouvernement fédéral. SPAC devrait jouer un rôle clé dans l’orientation de la transformation numérique vers le bien public. Services partagés Canada (SPC), dans le cadre du Portefeuille de la transformation du gouvernement, est responsable de l’infrastructure et joue un rôle clé dans la gestion des services d’infrastructure informatique, en veillant à ce que les processus de gestion des affaires soient efficaces, en encourageant l’innovation dans la technologie numérique et en facilitant la transformation du gouvernement. En tant que fournisseur d’infrastructures et de technologies informatiques, SPC joue un rôle important, en collaboration avec le BDPI-SCT, en matière d’architecture et de politique.
- Les ministères chargés de la prestation de services, tels qu’Emploi et développement social Canada (EDSC), Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada (IRCC) et l’Agence du revenu du Canada (ARC), servent d’interface avec le public et de point d’accès aux programmes et services améliorés que l’IPN permet de mettre en œuvre. Ces organismes jouent un rôle essentiel dans la préparation de l’adoption de l’IPN et veillent à ce que les résultats se traduisent par une amélioration des services offerts au public.
Enfin, ce travail ne peut se faire en vase clos. Au Canada, de nombreux organismes travaillent déjà à l’harmonisation de l’orientation générale de l’IPN au-delà de la sphère fédérale, des groupes sans but lucratif tels que l’Institut des services axés sur les citoyens assurant la coordination organisationnelle. Il s’agit notamment du Conseil des dirigeants principaux de l’information du secteur public (CDPISP), du Conseil de la prestation des services du secteur public, des Conseils mixtes, du Conseil de la gouvernance numérique et de divers comités de direction.
À l’échelle internationale, ce travail doit se faire dans le cadre d’un dialogue et d’une relation continue avec le secteur privé, le monde universitaire et d’autres partenaires communautaires. University College London Institute for Innovation et Public Purpose (Institut pour l’innovation et les objectifs publics) a déjà lancé une Communauté de pratique et un exercice de cartographie sur la mesure de l’IPN afin de coordonner des outils de mesure communs pour étudier l’incidence de l’IPN.
Pas de solution miracle, mais une avenue prometteuse
L’infrastructure publique numérique n’est pas une solution miracle pour moderniser l’administration ou remédier aux retards de service et à la frustration des citoyens. Nous devons encore concevoir avec les utilisateurs et veiller à ce que les programmes et les services que l’infrastructure numérique relie soient solides. Mais il s’agit, comme son nom l’indique, d’une infrastructure publique nécessaire.
Au SNC, nous avons déjà constaté une évolution des mentalités au sein du gouvernement, qui parle de plus en plus de plateformes partagées au lieu d’une multitude de solutions ministérielles individuelles.
Nous avons participé à de petites réussites et nous nous préparons à en connaître de plus grandes. Le travail commence maintenant, et le Service numérique canadien se réjouit de contribuer à ouvrir la voie. Ensemble, nous pouvons construire un monde plus connecté, plus efficace et plus accessible.
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